Rester actif, rester mobile
Amos Cohen est professeur à l’Institut de psychologie de l’Université de Zurich, où il enseigne notamment la psychologie de la circulation.
Il est l’auteurde différentes études sur les aînés et leur mobilité.
From an article at www.ate.ch (Dossier Leonardo)
Author: Amos Cohen
Leonardo:
Dans 30 ans, il y aura 50% d’aînés de
plus sur la route. La circulation sera-t-elle plus ou moins sûre ?
Amos Cohen:
Si nous ne faisons rien, elle sera moins sûre. Globalement, les capacités diminuent avec l’âge, les erreurs deviennent plus fréquentes. Et les seniors, qui ont plus de peine à compenser les erreurs des autres, seront plus nombreux sur la route. Ces deux facteurs vont provoquer une baisse drastique de la sécurité. Si nous ne faisons rien.
Que devons-nous donc faire?
Conduire un véhicule impose certaines exigences aux automobilistes. Aujourd’hui, on considère que ceux qui ne peuvent plus y répondre doivent renoncer à conduire. Mais les tâches peuvent aussi être facilitées ou compliquées. Nous pouvons aménager des carrefours complexes ou des giratoires rela-
tivement simples à un seul choix de direction possible. C’est une aide pour les seniors qui ont de la peine à être attentifs à plusieurs choses à la fois. La conduite ne doit cependant pas devenir trop simple car la monotonie est aussi un facteur de stress. Et tout ne doit pas être conçu en fonction des
seniors: tous les automobilistes doivent être pris en compte. La signalisation devrait aussi être adaptée à notre capacité de perception. En moyenne, celle-ci est de trois objets par seconde. Même s’ils sont importants pour la conduite, les autres ne sont pas perçus. L’industrie automobile commet aussi des erreurs.
Lesquelles?
Sur une route de campagne peu éclairée, un piéton vêtu de noir ne sera perçu qu’à une distance de 25 à 40 m. A cause de l’obscurcissement de la cornée, les aînés ont besoin de beaucoup de lumière. Que font les constructeurs de voiture ? Ils mettent des vitres teintées, des protections solaires (pour combien de jours de soleil par an?) qui contre-carrent notre besoin de sécurité. Quant aux différents auxiliaires, il y en a d’utiles et d’autres qui ne font que nous distraire, comme l’accès internet et aux courriels. Pour les seniors, des aides telle la direction assistée sont utiles car leur force physique
faiblit avec l’âge.
Comment améliorer la mobilité des seniors?
Et doit-on l’améliorer?
La mobilité est un besoin de base mais 22 %
de la population ne sort pas tous les jours.
Et les enfants ne sont pas compris dans cet-
te moyenne. La probabilité est donc grande
que bien des aînés restent à la maison et
s’isolent socialement. Si globalement, nous
pourrions être moins mobiles (ce n’est pas toujours mieux ailleurs), cela ne vaut pas
pour tous: une partie de la population doit
le devenir davantage. Les entreprises de
transports se soucient déjà des aînés, que
l’on pense aux trams à plancher surbaissé.
L’utilisation des automates à billet pourrait
aussi être plus simple. Aux feux, le vert est
aussi souvent trop court. Mais imaginons
aussi de nouvelles solutions. Pourquoi pas
des taxis groupés qui emmèneraient les se-
niors faire leurs courses? Cela créerait aussi
des contacts et si les gens remarquent que
c’est mieux avec d’autres, ils renonceront
peut-être plus facilement à leur propre
voiture.
Ce qu’on entend régulièrement demander…

En matière de conduite, les seniors sont traités différemment des jeunes. Un accident grave a été récemment causé à Zurich par un aîné souffrant. Les autorités ont alors mené une grande étude pour déterminer quel danger représentent les seniors. 6 mois plus tard, un accident semblable a été causé par une jeune femme. On l’a à peine évoqué. Ce ne sont pas les aînés qui causent le plus d’accidents, mais les jeunes, encore téméraires et peu expérimentés; mais ce sont les aînés qui sont cloués au pilori. On juge que puisque leurs facultés diminuent, ils doivent arrêter de conduire, mais leurs stratégies de compensation sont négligées. On ne considère pas la globalité mais chaque élément isolé. L’atout des aînés est de pouvoir prévoir ce qui vient, grâce à leur ex périence. Et si les aînés ne vont plus qu’à pied, le risque d’accident augmente pour eux (alors qu’on a réduit les risques pour les autres usagers), car ils sont plus menacés comme piétons que comme automobilistes.

Il en résulte une question éthique: une jeune vie vaut-elle plus qu’une longue? Je pense que les aînés devraient utiliser leur voiture dans le cadre de leurs possibilités mais que chacun, au moment d’avoir son permis, devrait imaginer le jour où il ne l’aura plus. Plus un aîné vit longtemps, plus la probabilité augmente qu’un jour, il ne puisse plus conduire, non par égard pour les autres mais par égard pour lui. Je plaide pour que ce renoncement doit dicté par le discernement, pas par l’obligation. Si possible, car il y a toujours des têtus.

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Comment doivent se comporter les seniors?
Automobilistes, ils doivent s’exercer et ne pas devenir des conducteurs du dimanche. Lorsqu’ils remarqueront qu’ils sont souvent surpris par une situation, il sera peut-être temps de déposer leur permis et de trouver d’autres formes de mobilité. Il faut respec- ter ses limites. Comme piéton, qu’ils prennent le temps de s’orienter avant de traverser et d’indiquer leur intention par un geste. Il faut aussi se laisser du temps. Globalement: rester actif, physiquement, intellectuellement. Ceux qui «rouillent» ne peuvent pas conduire. L’activité n’arrête pas le processus de vieillissement, mais le ralentit.
Propos recueillis par Anne-Lise Hilty